mardi 2 septembre 2014

La fin de l'adoption internationale ?

L'adoption internationale est-elle en voie de disparition ? Au cours de la dernière décennie, le nombre d'adoptions a fondu comme neige au soleil partout dans le monde. Une baisse qui "est désormais structurelle en France et dans la plupart des pays d'accueil", note dans son dernier rapport la Mission de l'adoption internationale, l'autorité centrale française en la matière.
Comment en est-on arrivé là ? D'abord parce que les principaux pays donneurs ne le sont plus vraiment. Il n'aura échappé à personne que, si l'Occident ne sort pas du marasme économique, le reste du monde lui se développe et s'enrichit (même de manière très inégale). Conséquence logique, les abandons d'enfants, principalement motivés par des raisons économiques, sont plus rares. Mais cette baisse est surtout le fruit d'une plus grande régulation et réglementation, elle-même conséquente à de nombreux abus (vol et trafic d'enfants, corruption, etc.). Les États signataires volontaires de la Convention de La Haye, le texte de droit international qui fait autorité depuis 1993, sont toujours plus nombreux, à l'exception notable des États africains et du Golfe, encore réfractaires. Ce texte fait de l'adoption internationale l'ultime recours, "dans l'intérêt supérieur de l'enfant". Autrement dit, toutes les autres pistes (adoption par des proches, placement en famille d'accueil, adoption par des concitoyens) doivent avoir été creusées avant de déclarer l'enfant adoptable par des étrangers. Son application ne se fait pas sans difficultés, notamment dans les pays les plus pauvres comme Haïti (lire p. 58), mais il a le mérite de freiner les abus et de structurer la protection de l'enfance dans des pays où elle était politiquement défaillante, voire inexistante, comme en Chine par exemple (lire p. 59).
Les diplomates s'en mêlent
Car l'adoption est un phénomène éminemment politique. "Les décisions, dans les pays donneurs et les pays receveurs, sont prises au plus haut niveau de l'État, les rendant d'autant plus imprévisibles", constate au quotidien Geneviève André-Trevennec, responsable de la Mission adoption à Médecins du monde. Ainsi, elle est devenue une variable d'ajustement dans la réforme de la politique de l'enfant unique en Chine. Elle fait aussi l'objet de tractations diplomatiques (en France, elle relève du Quai d'Orsay) et de traités bilatéraux - comme récemment entre la France et la Russie -, de coopérations multilatérales au sein de la Conférence de La Haye, ou de décisions unilatérales. Comme la Colombie, gros pourvoyeur qui sans prévenir a décidé de fermer ses frontières pour les enfants de moins de sept ans.
À tous les niveaux, l'adoption n'est jamais anodine, elle soulève des questions de souveraineté nationale, bouscule les identités individuelles et les imaginaires collectifs, soutient Bruno Perreau, anthropologue du phénomène. Dans ce contexte, les parents candidats sont des pions, souvent laissés à eux-mêmes, malgré la myriade d'associations - souvent de très petites structures plus amicales que militantes. Le temps de la procédure s'est considérablement allongé, une dizaine d'années au minimum, contre moitié moins il y a dix ans. Les enquêtes sont de plus en plus fastidieuses, les normes physiques et économiques de plus en plus contraignantes et disqualifiantes.
Le nourrisson est une exception
Des parents qui sont amenés à se battre pour un enfant qui ne correspond pas à leur idéal car l'adoption d'un nourrisson relève désormais de l'exception. La majorité des enfants sont dits "à besoins spécifiques", c'est-à-dire qu'ils ont plus de cinq ans, et/ou sont atteints d'une pathologie et/ou appartiennent à une fratrie. En 2013, en France, la majorité des 1 343 adoptés avait plus de trois ans, un enfant adopté sur cinq avait plus de sept ans, un quart était atteint d'une maladie physique ou psychologique. Un nouveau profil d'enfant auxquels les parents, qui souvent font le choix de l'adoption après une tentative de fécondation artificielle, donc par défaut, ne sont pas ou prou préparés (lire p. 61). À l'exception de Médecins du monde, les organismes autorisés pour l'adoption (OAA), des associations animées par des bénévoles, n'ont vraiment ni les moyens, ni la volonté, de faire ce travail de préparation, certains d'entre eux étant tellement petits qu'ils ne procèdent qu'à une ou deux adoptions par an.


Cet obscur horizon de l'adoption internationale ne signifie pas la fin de l'adoption. Car pour satisfaire le besoin d'enfants de leurs ressortissants, les grands pays d'accueil que sont les États-Unis, la France et l'Espagne n'ont qu'à relancer leur adoption nationale, comme la Convention de La Haye dont ils sont signataires, les y obligent en principe. 
Thomas Monnerais
Alternatives Internationales n° 064 - septembre 2014
 

2 commentaires:



  1. Bonjour,
    Il est vrai que nous sommes a une période difficile en adoption internationale. Je suis au début de l'attente d'une assignation en Pologne et dans notre cas, l'attente ne devrait pas être excessive.. 2 ans maximum.

    Relancer l'adoption nationale? Cela serait bien, mais dans ma région -Catalogne, et dans la plupart des régions d'Espagne, il y a une attente d'environ 8 ans avant de pouvoir faire le processus d'agrément.. Avant une période de 2-3 ans avant un apparentement.. C'est énorme!

    Ici nous avons très peu d'accord avec des pays, en pratique 5-6, la Russie étant actuellement le plus important. La Colombie a fermé, l'Ethiopie va au compte goûte, et la Chine traite actuellement des dossier de 2006... Mais vue la situation actuelle, nous pourrions effectivement craindre des représailles sur ce plan aussi de la part de la Russie..
    C'est pas facile l'adoption, et encore moins dans cette situation internationale.
    Ton article est très intéressant. Avec ta permission puis-je le re-poster sur mon blog?
    Comment me procurer cette revue?
    Bises!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour, bien sur vous pouvez, il ne m'appartient pas .. Effectivement rien de réjouissant pour les années a venir ..

      Supprimer