lundi 17 août 2015

Quand l'enfant adopté ne vient pas: le calvaire de la chambre vide

Quand l'enfant adopté ne vient pas: le calvaire de la chambre vide

Maman de Candide et de Clovis, adoptés au Congo



Je viens de fêter mes 40 ans et j'aime un homme qui ne pourra jamais me donner d'enfant. Nous voulons pourtant former une famille! Nous écartons les FIV et nous mettons à rêver de ce petit bout de toulabas, nous allons adopter. Nous nous marions et en février 2011, obtenons notre fameux sésame de l'adoption pour un enfant de 0 à 3 ans de toute ethnie. Quel bonheur!

Cet agrément nous donne des ailes, nous écrivons partout, remuons les 4 coins de la terre à la recherche de notre enfant. Nous nous orientons essentiellement vers l'étranger, mais déposons aussi un dossier en France. La tâche n'est pas simple, nous ne rentrons pas du tout dans les cases des adoptants idéaux. J'ai 42 ans et nous ne sommes mariés que depuis un an, alors qu'il en faut 5 dans la plupart des pays. Les réponses sont toutes négatives. La Colombie nous ouvre ses portes un moment, mais nous les referme aussitôt. Nous envoyons un dossier au Mali, mais sans succès. Nous faisons ainsi le tour de la planète sans résultat... Seuls et perdus dans nos recherches, nous pataugeons. En octobre 2011, lors d'une réunion de familles adoptantes, nous faisons la connaissance de 2 couples, nous ne sommes plus seuls. Le soir même, nous nous connectons à un forum d'adoption qui s'avère être une mine d'informations! Les copinautes se bousculent pour nous donner des idées: avez-vous pensé à ceci, à cela? Avez-vous écrit à "Vivre en Famille"? Oui, nous l'avons fait, trois fois et trois refus! Quelques copinautes ont adopté par VEF et nous les vantent. Je décroche mon téléphone pour les appeler, nous sommes à bout de forces, ne sachant plus où chercher, désespérés. Ce jour-là, la chance me sourit, car je parle directement avec madame L, présidente de l'association. Je lui explique notre parcours, les lettres de refus et épuisée par cette pression, je fonds en larmes. Je vous jure que ce n'était pas prévu! Mais madame L me demande de lui envoyer notre dossier. J'ai continué à pleurer, mais de joie cette fois-ci, je savais qu'on venait d'avancer vers notre petit bout.

En septembre 2012, nous sommes convoqués pour un entretien au siège de VEF. Nous n'en menons pas large. L'entretien semble bien se dérouler, mais le stress est au maximum. Quelques jours plus tard, notre vie prend un tournant à 180 degrés: "Nous avons le plaisir de vous informer que vous avez été retenus...". Nous pleurons, rions, c'est juste incroyable! Nous avons trouvé notre chemin et adopterons avec "Vivre En Famille".

Le 2 octobre au soir, 5 jours exactement après le courrier, le téléphone sonne, c'est madame L qui nous annonce que nous sommes parents d'un petit garçon de 2 ans et demi, du merveilleux Congo. Comment vous expliquer ce que l'on ressent dans ce cas-là? C'est tout simplement merveilleux, nous sommes parents, papa et maman, nous avons un petit garçon que nous appelons Clovis. Huit jours après, nous avons rendez-vous aux bureaux de VEF pour découvrir sa photo. Nous fondons littéralement, Clovis est beau comme un ange, aux traits fins et au regard si triste. Nous sommes comblés.


Les jours passent, notre chagrin est immense. Fin mars, nous recevons un appel de madame L, nous sommes les parents de Candide, 14 mois, née au Congo comme Clovis. Nous sommes de nouveau parents et pourtant nous n'avons pas attendu les 9 mois qui sont nécessaires pour pouvoir redonner naissance. Nous sommes partagés entre le deuil et la vie. Cette période est trouble. Nous partons découvrir sa photo, mais nos cœurs sont lourds. Nous sommes émus de la découvrir, mais Clovis reste omniprésent. Au fil des mois, Candide trouve sa place dans notre coeur. Nous avons 2 enfants dont un au ciel. Nous découvrons des petits films de notre Poucinette qui font chaud au cœur, un petit rayon de soleil au rire facile, belle comme un cœur.

Le 25 septembre 2013, les autorités congolaises suspendent les autorisations de sortie du territoire pour les enfants adoptés pour un an. Ils souhaitent revoir la loi sur la famille et l'enfant. Nous sommes de nouveaux anéantis. Le chemin de croix de 1300 de familles à travers le monde commence, de plus de 300 familles en France et autant d'enfants au Congo. Les mois qui suivent sont ponctués de quelques espoirs dans une tempête de désespoirs. Paradoxalement, en avril 2014, Candide devient juridiquement notre fille, elle porte désormais notre nom de famille au Congo.

Nous attendons impatiemment le 25 septembre 2014, pensant naïvement que les adoptions vont reprendre, mais le Congo décide de prolonger le moratoire pour une durée indéterminée, les familles ne comprennent plus. Pendant ce temps, les enfants grandissent. Ils savent tous qu'ils ont des parents qu'ils connaissent à travers des photos, mais ignorent le sens réel de ce mot. Nous leur envoyons des jouets, des lettres, des albums photos, mais ne pouvons les toucher, nous les aimons à distance. Notre entourage n'y croit plus vraiment, certains ne posent même plus de questions. La situation dans les orphelinats devient critique, les finances des OAA (Organismes Autorisés pour l'Adoption) sont malmenés, les orphelinats surpeuplés. Pourtant, nous continuons à recevoir des photos et des petits films de nos enfants chantants et dansants, tous ont le sourire. Ça fait plaisir de recevoir des photos, mais ça fait mal aussi. Candide n'est plus le bébé chancelant, c'est une petite fille. Madame L leur répète souvent: "Il faut bien parler le français parce qu'en France, on ne parle que le français". Candide, du haut de ses 3 ans l'a très bien compris et un jour, elle tire sur la manche de madame L: "Ben Candide, elle parle très bien le français maintenant, alors pourquoi je ne vais pas en France?". Comment vivre sans elle? Comment lui expliquer que papa et maman n'attendent qu'un mot pour sauter dans l'avion pour la serrer dans nos bras? Comment expliquer aux enfants que certains ne reviendront plus, car ils sont partis rejoindre Clovis? Qui sera le prochain? Nous ne comprenons plus le sens de cette fermeture, nous apportons l'amour et on nous ferme la porte. Nous débutons dans quelques jours notre second agrément. Nous allons devoir repasser devant l'assistante sociale et la psychologue pour que dans quelques mois, nous puissions espérer poursuivre notre parcours d'adoption et ne pas perdre Candide. Nous sommes épuisés par cette attente mais gardons espoir pour Candide, ne la décevons pas.
Pour Clovis et Candide.

6 commentaires:

  1. Bonjour à vous deux,
    J'aimerai pouvoir vous dire tant de choses face à votre récit de vie, de parcours vers vos enfants. Chaque parcours est si différent qu'il nous impose une humilité mais laissez moi vous dire cela : "ne jamais renoncer, se battre jusqu'au bout". Malgré les différences dans nos parcours en raison de l'époque en tout premier lieu, il y a un sentiment identique : celui des montagnes russes émotionnelles. Celles ci nous malmènent nous donnant force, courage et aussi souvent, desespoir.. du temps qui passe, du vide de la chambre... Je vous embrasse. Isabelle (maman de Pauline 2006 et Ruben (2011).

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    1. Bonjour Isabelle,
      J'ai remis ce message mais il ne s'agit pas de nous.. mais

      Il s'agit de Guylaine, qui attend son enfant… Merci d'avoir laissé un message. Géraldine

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  2. J'espère que cette petite fille pourra rejoindre ses parents le plus vite possible. Les parcours d'adoption sont de plus en plus longs et durs, et je mesure notre chance d'avoir pu adopter 2 enfants.

    Mais j'ai du mal à comprendre comment ce couple a pu avoir un apparentement avec le petit Clovis quelques jours seulement après avoir été accepté par l'OAA. Pour être apparenté il faut avoir un dossier dans le pays et là ça n'était pas possible vu qu'ils étaient retenus par l'OAA depuis quelques jours.

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  3. La situation que vivent parents adoptants et enfants en RDC est d'une grande violence et les 2 OAA dont VEf ont fait preuve en effet d'une grande légèreté en proposant des apparentements "rapides" dans ce pays. enfin, VEF est connu pour ces apparentements "rapides' parfois même le jour de la rencontre avec les postulants, ce qui m'a toujours semblé une aberration déontologique et psychologique. il y aurait beaucoup de ménage à faire dans le système d'adopton via OAA...

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  4. Famille adoptante avec VEF qui rencontre de nombreux parents dans une association de familles adoptantes (..). Je me permets de préciser que chaque pays est différent, en matière de procédure d’adoption. Il suffit de voir pour Haïti, la rencontre se fait dès le début de la procédure et elle peut durer 2 ans, pour l’Ethiopie, il faut y aller au moins 2 fois (pour le jugement d’adoption et la rencontre), la Russie, on peut s’y déplacer entre 4 et 6 fois (pour chaque étape), pour la Thaïlande, on attend des mois, voire des années avant l’appel et on s’y déplace dans les 3 semaines pour aller chercher son enfant…Concernant la RDC, les enfants sont déjà adoptables au moment de l’apparentement (consentement parent, enquête d’abandon…etc.). Ainsi, l’OAA appelle les parents qui ont le plus de chance de rendre heureux l’enfant, par un profil qui s’adoptera au mieux aux besoins de cet enfant et pas un autre (âge, comportement, énergie…). Ils étudient les dossiers de chaque couple en Conseil de Famille et passent en revue aussi les dossiers des enfants adoptables rencontrés au préalable dans les orphelinats. Alors, certains parents sont appelés très rapidement et d’autres le sont à l’issue d’une nouvelle réunion des référents de l’OAA. Certains parents attendaient depuis plus 18 mois, avant d’avoir leur entretien à l’OAA. Justement cette OAA n’enregistre pas un grand nombre de candidatures comme d’autres, qui ne se gênent pas pour faire payer dès l’acception à l’OAA… sans avoir un appel pour un appartement. Il ne semble peu convenable de faire de telles remarques à un Oaa agréé par les autorités françaises, et qui par cette situation de blocage, accompagne en toute transparence et collaboration. Il faut voir tous ces enfants et parents heureux à la fête des familles pour comprendre le bonheur de vivre en famille, dans cette belle et grande famille.

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  5. Bonsoir,
    Je suis Guylène, la maman de Clovis et de Candide. Tout d'abord, je tenais à vous féliciter Géraldine pour votre merveilleux travail avec les familles adoptantes, nous aurions tant aimé participer à votre livre...
    Je voulais ensuite réagir face aux critiques envers VEF qui me paraissent tout à fait déplacées.
    Je remercie d'ailleurs la personne ci-dessus qui relate très bien les procédures.
    Je ne comprends pas ce qui peut gêner dans la façon de faire de notre association... Comment faire pour bien faire, pour ne pas heurter la sensibilité des uns et des autres ?
    Nous savons que les responsables de notre association revenaient d'un long voyage en RDC et qu'ils avaient été très touchés par tous ces enfants à adopter, ayant effectivement tous un jugement d'abandon en règle.
    Alors, que faut-il faire dans ce cas ? Rentrer en France et attendre 6 mois pour que les apparentements ne soient plus une aberration déontologique et psychologique ? Mais oui, bien sûr ! Comment des personnes aussi sensées que mr et mme L n'y ont pas pensé ?!!!! Oh mais rassurez-vous, certains ont attendu de très longs mois (ça va mieux là ? C'est plus déontologique ?) et d'autres attendent toujours d'ailleurs, depuis 2 ans maintenant...
    Arrêtons les bêtises !!!! Tout là bas, des enfants attendent des parents et nous, notre enfant, alors où est le mal ?
    Je vous promets qu'aucune famille ne s'est offusquée de ces apparentements soi-disant rapides, bien au contraire.
    Alors s'il vous plait, arrêtez de juger et de critiquer.
    Je suis épuisée par tous ces commentaires que nous pouvons lire, comme si notre attente n'était pas déjà assez cruelle.
    Ne trouvez-vous pas qu'ici c'est plutôt la condition des enfants qui est une aberration déontologique et psychologique ? Ne vous trompez pas de cible.

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